A
propos des cymbales, des cloches et des effets campanaires
souhaités dans l'Orgue Eol
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En réponse
à l'Ange Candide, demandant à l'Ange de l'Orgue
Eol
si l'usage de tels accessoires se justifie
dans le cadre de notre église et de sa liturgie ...
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Cher
Ange Candide,
Vous
savez qu'Eol souhaite procéder à l'extension de son
orgue par la pose de 145 tuyaux et de 8 effets campanaires, à
la restauration et à la liaison de l'orgue positif à
l'orgue principal.
Vous savez combien cette phase d'équilibrage de l'instrument
nous tient à coeur, tant pour l'usage cultuel que culturel.
Vous
vous êtes laissé dire que certains auraient pu hésiter à permettre
l’installation des effets campanaires, les assimilant à des instruments
de bruitage incompatibles avec le répertoire musical liturgique
et suggérant que leur place naturelle serait plutôt dans une salle
de concert ou de cinéma.
Or, voici un point de vue qui tinte à mon oreille de musicien et
de facteur d’orgues, et que je souhaiterais, pour vous, nuancer
et argumenter.
Je
voudrais que vous considériez notre suggestion de mise en place
de ces huit effets comme le fruit d’une longue réflexion initiée
par notre organiste liturgique.
C’est en respectant profondément le caractère religieux qui préside
à la mise en place d’un orgue dans une église que je vais ici développer
quelques-unes de nos idées.
Depuis
des siècles, nombre d’orgues en Europe comportent non seulement
des tuyaux, mais des cloches, des cymbales, des tambours – en France,
autour de Nice et de Tende, tous les orgues d’influence italienne
en sont dotés.
Jean Guillou, qui supervise notre projet, citait, parmi d’autres
orgues, celui d’Oliva, en Pologne, qui, au XVIIIème siècle, était
le plus important de son époque. Abîmé pendant la dernière guerre,
il conserve néanmoins ses rossignols, ses nombreuses cymbales, cloches
et clochettes, ainsi que ses automates et ses anges – je crois d’ailleurs
que l’un d’eux est à votre effigie.
Il
est vrai qu’autour des années 1900 l’orgue a investi les salons,
les salles de concert et de spectacle, les cirques, les fêtes foraines
et les cinémas.
Sorti du cadre liturgique, l’orgue a pu susciter, auprès des facteurs
et des musiciens, bien des fantaisies. Fumées, mises en lumière
fantasmagoriques, démons et sirènes dévêtues ; mais aussi, pour
les besoins du cinéma muet, klaxons, sirènes de pompiers, cloches
à vaches, boîtes à " meuhh ", bêlements, cris, claquements, balles
de fusils, bris de verre, orage, pluie, vent, rire, coussin flatulant,
sifflet à roulette, sifflets à coulisse, chasse d’eau, piano mécanique,
marimba, maracas, castagnettes, grelots, mirliton, sirène de mairie,
explosion, moteur de voiture ou d’avion …
Non,
les huit effets souhaités dans l’orgue Eol ne sont pas en mesure
de rivaliser avec l’instrumentarium opulent et inventif de l’orgue
de cinéma.
Au
contraire, leur choix a été le fruit d’une longue réflexion menée
avec des théologiens, des organistes et des compositeurs. Discrets,
à utiliser avec une très juste parcimonie, ces effets campanaires
ont été imaginés pour équilibrer l’orgue de Lévis Saint Nom, déjà
doté de 70 cloches et d’un Rossignol – ce Rossignol, il est vrai,
est le seul "bruitage" de l’orgue, quoique traditionnellement déjà
très présent dans l’orgue baroque.
Et
là, Ange Candide, je peux vous assurer que notre organiste ne se
moque pas de la liturgie, mais qu’il oeuvre de toute sa foi pour
que la musique soit belle à Lévis Saint Nom.
Pour
prévenir des "dégâts" que pourrait occasionner un mauvais usage
de ces effets, certains ont émis l’idée qu’on pourrait à loisir
en verrouiller les commandes, afin qu’un organiste de passage, étourdi
ou maladroit, ne puisse s’en laisser déborder.
Par
contre, n’oublions pas le formidable engagement de tant d’organistes
et de compositeurs au service inlassable de la liturgie, parmi lesquels
tous ceux – Jean Guillou, André Isoir, Pascale Mélis, Naji Hakim,
Pierre Pincemaille, Frédéric Blanc, Eric Lebrun, Valéry Aubertin,
Pierre Cogen, Pierre Farago, Thierry Escaich…, qui ont touché l’Orgue
Eol, ou ont prévu de le faire chanter avec toutes ses possibilités
créatives futures.
Et,
rappelons-nous combien, de Haendel à Messiaen, les percussions ont
été utilisées pour les oeuvres religieuses.
Déjà, au Temple de Jerusalem, les cymbales et les tambourins accompagnaient
les chants bibliques.
Le psaume 150 ne nous invite-t-il pas à louer le Seigneur "avec
le son resplendissant de la trompette,... louez-Le avec les cymbales
sonores, louez-Le avec les cymbales retentissantes !".
Le
Grand-Prêtre ne portait-il pas des clochettes à sa robe ? (élément
de protection, préparation de l’âme à la rencontre…).
Le culte hébreu n’était-il pas agrémenté du jeu des tambourins,
des cymbales, des sistres ( les Chimes souhaitées dans l’orgue Eol
) et du triangle ?
Nombre
d’anges des portails de cathédrales ne jouent-ils pas des trompettes
et des instruments de percussion ?
Une
miniature de 1448 dépeint l’Agneau Pascal au centre de Rois et de
Prophètes jouant cymbales, crotales, triangle, orgues, vielles à
roue et chalumeaux.
A
la naissance du Divin Enfant, ne chante t-on pas " sonnez hautbois,
résonnez musettes " ?
Le
tympan de l’église de Lévis Saint Nom ne comporte-t-il pas la sculpture
d’un joueur de cornemuse ?
Les
huit effets souhaités pour l’orgue Eol ne sont pas différents de
tous ces instruments cités :
Cornemuse
( ou musette )
Vielle à roue
Crotales
Chimes ( sistre )
Cloches indiennes en grappe ( sistre )
Triangle
Cymbale cloutée ( cymbale sonnante )
Gong symphonique ( cymbale retentissante )
Cher
Ange Candide, Cher Frère,
Toute cette musique faite sur cet orgue est aussi pour Lui !
Ce beau projet n’est-il pas le signe de la contribution spirituelle
d’humains à la vie de l’Eglise, par le biais de l’Art?
Voyez combien nous participons tous à cette Symphonie : Ange, Prêtre,
Laïque, Musicien ,…Orgue !
L’Ange de l’Orgue Eol .
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